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Hérita​ge​

Schéma Trauma II/II


2012, première année de thérapie. Un événement plutôt banal dans une vie, mais que j’ai vécu comme un traumatisme, 3 ans après le bac et le diagnostic tombe: dépression majeure, trouble anxieux généralisé, comportement suicidaires. Multiples passages à l’acte et joie des séjours en réanimation. C’était la bousculade qui fait chuter quand on ne tient pas bien debout. La goutte de trop, à 21 ans j’étais déjà épuisée par les angoisses et la bonne figure.

Je m’accroche de toutes mes forces aux études, aux stages, aux premiers contrats ici, là et à l’autre bout de monde; en alternance avec des soins de santé mentale. Un événement est venu aggraver mon cafard ambiant en 2016. Un traumatisme. Brutal, celui qui t’arrache des larmes à des moments où tu as rien demandé. Celui qui te dézingue la mémoire au point de ne plus savoir comment tu as connu l’un, si tu es en bons termes avec l’autre, au point de plus comprendre le sens de la vie. Celui qui te fait oublier qui tu es.

À nouveau un diagnostic tombe: état de stress post-traumatique.

La reconstruction a été longue et laborieuse, et les questions persistent: « Pourquoi », « pourquoi nous? », « Pourquoi moi? ». Quand bien même je ne crois pas au destin, je ne peux m’empêcher de penser qu’évoluer dans un cadre familial marqué par le drame oriente inconsciemment le chemin de ses descendants.

C’est sûr, je peux aborder des sujets variés, je peux ouvrir beaucoup de possibles, mais il y a toujours un revers de la médaille. J’ai obtenu mon ouverture d’esprit au prix fort. Je me suis réfugiée dans les études, dans les livres et les formations en tout genre, ou à l’inverse, dans l’ivresse et les comportements auto-destructeurs et dangereux. J’ai du longuement travailler sur moi, mon rapport aux autres, mon rapport aux hommes surtout.

Avec le recul, je pense que je n’ai jamais voulu m’avouer cette émotivité et cette sensibilité exacerbée qui me faisaient honte. Je crois viscéralement que toutes ces choses qui ont rythmé ma vie depuis cette année là étaient inévitables. En essayant de faire semblant d’aller bien j’ai construit des masques; et par peur d’être démasquée j’ai préféré me priver. Une pensée complexe sensée me protéger des choses potentiellement trop dures à vivre, mais qui m’a tout bonnement égarée. 

Comme d’autres, je suis et je serai toujours torturée. 

Comme d’autres, j’ai fui ces ressentis.

Comme d’autres, je me suis étourdie.

Cependant je n’ai plus voulu m’accoutrer, j’ai voulu me saper. Me vêtir d’amour à en avoir trop chaud. M’envelopper dans les couvertures duveteuses du respect, de la tolérance et de la confiance. J’ai fui en tentant de panser mes blessures internes par la chirurgie esthétique, en vain. Bien-sûr en vain. J’ai cru que changer mon corps, c’était changer les souvenirs associés. Autant mettre un petit pansement sur une fracture ouverte. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur et c’est vrai. Il l’encadre, il l’habille. Mais couvrir ses épaules de diamants quand le cœur est en miettes, à quoi bon?

Sur le chemin de l’affect j’ai simplement oublié que la priorité c’était de m’aimer. Il fallait faire appel à ce mental, qui fonctionne bien mais qui se tait quand les émotions débordent. Tout le monde le dit, sans le conscientiser. 

Casser des schémas, c’était ça, la solution. 

C’était la voie la plus difficile, mais c’est celle que je choisis, et que je choisirai jusqu’au bout. C’est aujourd’hui ancré dans ma vie et pour rien au monde je ne voudrais arrêter les accompagnement thérapeutiques et les lectures. 

« Connais-toi toi même », et tant pis pour les langues acerbes.